Honfleur, Québec, aujourd’hui
De quelque 800 habitants, Honfleur, Bellechasse, qui est allée puiser son nom en Normandie, est un verdoyant hameau québécois d’agriculture et de paix. La paroisse a fêté son centenaire en 2004. Le désir fondamental d’autonomie persiste, même si la population d’aujourd’hui diffère sensiblement de celle d’hier.
Le maire Marcel Blais vante, dans un bulletin en 2010, je crois, une des améliorations récentes : « un complexe municipal regroupant notre bureau administratif, la bibliothèque, la Caisse Desjardins, le guichet automatique et Postes Canada. » La Salle Fleur de Lys – d’abord, du temps des salles de danse – subsiste. Elle appartient maintenant à la municipalité. Avec son permis d’alcool, elle accueille les banquets des mariages, des anniversaires, ou les réceptions après les funérailles.
En Chaudière-Appalaches, Honfleur dispose d’une scierie, de deux garages, d’un atelier de soudure, d’un dépanneur avec station-service. Elle compte un terrain de jeux coopératif, un service d’incendie, des programmes destinés aux personnes aînées. Elle a aqueduc et égouts municipaux.
L’agrandissement du village s’est fait aux dépens des rangs. Un super outillage a remplacé les familles nombreuses. Les fermiers jouent maintenant au golf.
L’église demeure ouverte du culte, avec moins de célébrations que par le passé. La fréquentation religieuse a diminué. La seule école primaire située dans Honfleur, un ancien couvent pendant un moment, vient de fermer, faute d’élèves en nombre suffisant.
L’histoire et l’évolution rejoignent « mon » patelin d’origine de diverses façons.
L. Bilodeau & fils, une entreprise familiale ayant son siège social dans ce village, existe depuis quarante ans. Elle se spécialise dans le transport d’animaux vivants et d’autres cargaisons jusqu’aux États-Unis. Son site Internet est en français et en anglais.
Si la municipalité s’est dotée de nouveaux commerces et services, d’autres entreprises sont disparues au cours de son existence, dont le début fut tumultueux.
Honfleur, Normandie, ville chargée d’histoire
Honfleur, en Basse-Normandie, baignée par l’air iodé de la Manche, est la patrie de Samuel de Champlain, fondateur de Québec en 1608. Plusieurs marins français en sont partis vers la Nouvelle-France ou vers les colonies africaines.
Aujourd’hui encore, les esthètes et amateurs d’art fréquentent cette ville maritime de 8 165 habitants avec un plaisir toujours renouvelé.
Ouvert depuis 1994, le Pont de Normandie a redonné à Honfleur une partie de la notoriété que l’édit de François Ier en 1517 lui avait enlevée. Le port de Honfleur s’ensablait. Le roi avait ordonné de construire Le Havre sur l’autre rive de l’estuaire de la Seine. Ce pont relie maintenant les deux villes, Le Havre sur la rive nord étant incontestablement la plus grosse. On rapporte que 6,14 millions de véhicules l’ont emprunté en 2007.
Cet impressionnant pont à haubans – 2 141 mètres, 856 mètres pour la travée centrale – tient par une multitude de câbles obliques partant des pylônes supportant tout le tablier sans ancrage sur les deux rives, à la différence des ponts dits suspendus. Il fut de 1994 à 1998 le plus long au monde.
Au Moyen Âge, Honfleur, Normandie, point sur toutes les cartes, représentait un passage obligé pour les navires à voile. Il ouvrait l’accès à Paris, situé 200 km à l’est. L’édit de François Ier a mis un terme à cet essor.
Plus près de nous, Honfleur fut peu touchée lors du débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie, n’entrant pas dans la ligne directe de marche des troupes.
Honfleur : Le ferment vers la Nouvelle-France
Le nom de la ville française de Honfleur a gagné la rive sud du fleuve Saint-Laurent, au début du XXe siècle, pour des raisons plus personnelles qu’historiques. Ce n’était pas à cause de Samuel de Champlain.
L’archevêque de Québec, Mgr Louis-Nazaire Bégin, avait un ancêtre qui venait de la paroisse Saint-Léonard de Honfleur, en Normandie. C’est lui qui donna ce nom en 1904 à la nouvelle communauté centrale que voulurent former les fidèles dissidents de quatre coins contigus de paroisses rurales existantes –Sainte-Claire, Saint-Anselme, Saint-Gervais et Saint-Lazare. L’objectif ? Réduire la distance à l’église, pour la fréquentation religieuse. Cet inconvénient se révélait majeur en hiver.
Le cardinal Bégin aurait pu ériger la paroisse et la municipalité simultanément, si toutes les procédures avaient été suivies. Elles ne le furent pas. Une importante division régnait parmi les fidèles et une vigoureuse opposition bouillait dans les quatre paroisses mères touchées par l’amputation. En 1905, l’évêque crée l’entité religieuse seulement. La municipalité de Honfleur ne naîtra que dix ans plus tard par « bill privé » : seule option possible. Mon grand-père Alphonse Dion (que je n’ai malheureusement pas connu) fut le premier maire, nommé par le conseil, je précise bien, nommé mais non élu.
Selon la tradition de ma famille, confirmée par d’autres sources, mon arrière-grand-père François Dion, père d’Alphonse, avait acheté une terre à bois à la 7e (trois Rangs plus hauts que le sien). Il en avait fait couper le bois. Des corvées d’hommes et de chevaux en avaient assuré le transport jusqu’au village pour construire l’église et le presbytère.
La première célébration eut lieu pour la messe de minuit 1904 dans un temple non fini. La paroisse est dédiée à Notre-Dame-du-Bon-Conseil, patronne au jour du début de sa construction.
D’autre part, en France, diocèse de Lisieux, l’église Saint-Léonard de Honfleur existe toujours. Elle est en style gothique flamboyant modifié (relevée d’un clocher octogonal Louis XV, avec des instruments de musique sur les côtés). Elle s’élève sur le site d’un sanctuaire détruit pendant la guerre de Cent Ans. On remonte aux XIVe et XVe siècles !!! L’histoire plante des racines immensément profondes en Europe.
Honfleur, en Bellechasse, se développe
Né en 1904, pour la paroisse, et en 1915, pour la municipalité, le Honfleur québécois doit faire face à la Première Guerre mondiale, ensuite à la dépression de 1929, puis à la Deuxième Guerre mondiale. Le travail dans les petites fermes était dur, les familles étaient nombreuses, les salaires bas, dans les usines, et les congés de maladie inexistants.
Entre 1939 et 1967, la paroisse a eu sa fromagerie, détruite par le feu. Sa meunerie locale : également incendiée. Une première scierie est non moins disparue aujourd’hui. Un magasin coopératif agricole a existé. Selon les besoins, une boutique de forge (en son temps), quelques garages et des magasins généraux se sont ajoutés, parallèles à plusieurs gigantesques poulaillers et ensuite porcheries. Pendant trois générations, le magasin Fournier a débordé dans le Multi-services pour répondre aux besoins les plus disparates des fermiers, privés d’auto ou incapables de se rendre à la ville. Les jeunes et moins jeunes l’adoptaient le soir comme leur centre communautaire.
Honfleur, Québec, tombe à 765 habitants au recensement de 2011 : soit une perte de 3,7 %. Toutefois, l’adjointe administrative Jocelyne Paré affirme qu’il est remonté depuis à 778. Il fait partie de la Municipalité régionale de comté de Bellechasse, à Saint-Lazare.
La municipalité locale administre un budget annuel de 1,5 million $. En plein air, la municipalité fête chaque été la Famille dans un festival.
Pas d’échanges trans-atlantiques…?
En raison de la langue commune, il serait gratifiant d’imaginer des échanges suivis entre le Honfleur original, au pays du calvados en Normandie, et celui de la bière et du sirop d’érable dans Bellechasse, au Québec. Ils n’ont pas eu lieu, au-delà de quelques timides tentatives sans lendemain… Différences de vocation, d’importance, d’occasions, de traditions et peut-autre aussi de parler !
Honfleur, Québec, s’est développé avec solidité. Et un de ses sujets les plus célèbres fut Eugène Audet, dit Cabochon pour tous, un vendeur obstiné d’alcool de contrebande et retardataire émérite dans tous ses travaux agricoles. Il a abondamment fait parler de lui – dans un périmètre dépassant beaucoup sa municipalité.
Il est l’inspiration de mon dernier livre: Cabochon – Un sacré original