Space Ship One
Le 21 juin 2004, Mike Melvill, pilote d’essai de 62 ans, décolle du désert de Mojave en Californie et réussit le premier vol spatial privé.
Il s’élève à une hauteur de 110 kilomètres avec son SpaceShipOne et revient se poser à son point de départ. Melvill remporte les 10 millions de dollars du prix Ansari X : lui, la 443e personne à aller dans l’espace; le premier astronaute commercial, selon Wikipédia, et un pionnier du tourisme spatial.
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Pour développer les voyages en espace, Richard Branson, le coloré magnat du groupe britannique Virgin (et de la téléphonie mobile du même nom), s’allie dans les trois mois avec Burt Rutan et sa société Scaled Composites . Ils forment ensemble Virgin Galactic.
En conférence de presse à New York, le 23 janvier 2008, sir Richard se vante de détenir 52 réservations. Les passagers vivront une expérience de deux minutes en apesanteur après quoi des longes les ramèneront à leur siège pour leur sécurité. Pratt & Whitney Canada, de Longueuil, au Québec, fournira les quatre turbosoufflantes PW 308 de l’avion lanceur, le White Knight Two.
Le président de Pratt & Whitney, M. André Bellemare, témoigne : « Nous n’avons pas approché ce projet avec une perspective traditionnelle. Nous le voyons plutôt comme une contribution à l’avancement de la science et de la technologie. » (Marie Tison, envoyée spéciale, La Presse, cahier Affaires, 24 janvier 2008, p. 1.) Le SpaceShipTwo explose malheureusement en vol, le 31 octobre 2014, tuant Michael Alsbury, 39 ans. L’autre pilote blessé, Peter Siebold, 43 ans, saute en parachute. Virgin Galartic et Space Composites coopèrent toutes deux à l’enquête de la sécurité des transports. Le Dr Raymond Taillefer, un des Québécois détenant son billet d’un autre porteur pour vivre cette expérience, commente la précédente tragédie : « C’est tragique, mais ça ne m’empêchera pas d’aller dans l’espace. » (Jonathan Trudel, « Tourisme spatial. Embarquement imminent ! », L’actualité, juillet 2015, p. 45, à la p. 48.)
Le fuselage du SpaceShipTwo offrira une profusion de fenêtres aux formes arrondies pour admirer la galaxie sous tous ses angles.
En entrevue au Paris Match, un mois et demi après l’accident, Richard Branson déclare : « À ce jour, seulement 580 personnes sont allées dans l’espace, un nombre que nous atteindrons en seulement une année ! Grâce aux revenus générés, nous pourrons ensuite envoyer les gens toujours plus haut. Cela nous permettra de développement une technique de lancement de satellites autour de la Terre pour un coût bien moindre. » (Paris Match, édition du 4 décembre 2014, p. 123.)
Informations futuristes
En attendant, les astronautes touristiques pressés peuvent se rassasier à découvrir sur le web quelle température il fait sur telle et telle planète, selon l’angle d’ensoleillement, par rapport à l’éloignement de la Terre.
D’un autre site, maintenant hélas tout aussi introuvable, je me rappelle avoir lu ceci. Les auteurs spéculaient qu’une place dans les vaisseaux interstellaires coûterait 10 000 crédits, en première classe; 8000 en classe économique; et 1000, en hibernation. On ne précisait pas ce que valait un crédit. Et l’hibernation ? C’est quand il faudra attendre l’arrivée du prochain aéronef dans les gares les moins fréquentées de l’espace. Ce ne sera pas demain la semaine prochaine.
Les tenants de l’exploitation civile spatiale soulignent que les premiers pilotes d’avion – dont Charles Lindbergh – ont pris des risques avant que le transport aérien ne devienne intercontinental.
Les précurseurs littéraires
Vers l’an 160 de notre ère, l’écrivain satirique grec Lucien de Samosate rédige son Histoire vraie. Il imagine qu’une épouvantable tornade emporte le vaisseau d’Ulysse pour sept jours hors de notre monde.
Copernic, Kepler, Galilée, Francis Goodwin et Joan Wilkins propulsent les rêves spatiaux à partir du XVIe siècle. Ils mettent à profit les nouvelles données scientifiques. Même Cyrano de Bergerac y va de son roman L’Autre monde ou les états et empires de la Lune ainsi que des États et Empires du soleil.
Voir également pour plus d’informations M. Claude Lafleur, Les origines de l’exploration spatiale, L’Agence Science Presse.
En 1865, Jules Verne publie son De La Terre à La Lune et, en anglais, H.G. Wells lui fait écho avec The First Men In The Moon.
Dans Espace libre, Constantin Tsiolkovski conçoit, en 1883, l’utilisation d’une fusée aux propergols liquides pour s’affranchir de l’attraction terrestre. Robert Goddard en fait décoller une brièvement le 16 mars 1926.
L’apport de la Deuxième Guerre
Avec l’avènement des nazis, dès 1932, Wernher von Braun, ingénieur de 20 ans, commence à développer pour l’armée allemande l’Aggregat 1 (A-1), un moteur-fusée de 300 kg de poussée. Ensuite, ce moteur, amélioré et perfectionné, atteindra 25 000 kg de poussée avec la fusée A-4. Celle-ci sera l’ancêtre de la redoutable V2. Entre le 8 septembre 1944 et le 23 mars 1945, 1 230 de ces missiles V2 atteignent l’Angleterre : cause de 2 511 morts et de 5 869 blessés. Même le mot est étudié. V2, Vergeltungswaffe-2, ou Vengeance-2, se veut un lien avec la V1, qui était une bombe ailée. Après la victoire alliée, Américains et Soviétiques récupèrent plusieurs de ces V2 intacts, Wernher von Braun passe aux Américains.
Le 4 octobre 1957, les Soviétiques lancent le premier spoutnik. Cette sphère d’aluminium émet son bip-bip pendant vingt et un jours. Moins d’un mois plus tard, les Soviétiques récidivent avec Spoutnik 2, vaisseau habité par la malheureuse chienne cobaye Laïka, qui décédera dans l’espace. Les Américains mettent en orbite le 31 janvier 1958 leur Explorer. Iouri Gagarine, pilote russe, vole le premier dans l’espace le 12 avril 1961. Et les États-Unis reprennent leur retard sur l’URSS. Sous la gouverne du président Nixon, Neil Armstrong devient le premier homme à mettre le pied sur la Lune le 20 juillet 1969, heure de Houston et de Montréal : exploit monumental.
Les aléas avant la victoire finale
Un incendie accidentel tue trois personnes, en blesse trois autres, et détruit les installations de Scaled Composites en juillet 2007.
La récente crise financière mondiale a motivé les États-Unis à mettre fin aux vols habités de la NASA après l’ultime décollage de la navette Atlantis le 8 juillet 2011. Deux des six navettes américaines construites depuis 1976, à savoir Challenger et Columbia, ont été détruites en mission. La fusée porteuse utilisait de l’oxygène liquide, d’où un risque élevé d’explosion. De son côté, la Russie a interrompu les vols spatiaux touristiques à la Station spatiale internationale (SSI) de Baïkonour après 2009. Le personnel scientifique doubla de trois à six à bord de ces vaisseaux, ne laissant plus de place aux touristes. Guy Laliberté, le fondateur québécois du Cirque du Soleil, fut l’un des derniers à décoller de ce cosmodrome le 30 septembre. Pionnier de ce type de voyage, Denis Tito déboursa 20 millions de dollars pour le sien en 2001.
La première femme touriste de l’espace fut Anousheh Ansari en 2006. C’est une ingénieure irano-américaine. Elle avait cofondé le prix Ansari X – remporté par Mike Melvill pour son envolée historique, mentionnée au début, au-dessus du désert de Mojave.
Les concurrents à ce prix ne doivent recevoir aucune subvention gouvernementale pour la recherche ou la fabrication. Cela exclut la NASA.
Il restera amples questions connexes à régler. Combien de semaines dureront ces déplacements dans la voûte stellaire ? Faudra-t-il un ou plusieurs passeports ? Emportera-t-on un bikini pour cette lointaine évasion ? Par quels moyens parents et enfants communiqueront-ils ensemble pendant cette absence ? Le grossiste fournira-t-il une crème spéciale pour se protéger des rayons U.V. ? Et à qui se plaindra-t-on si les repas servis hors atmosphère font défaut de respecter la qualité promise dans les dépliants promotionnels ?
Pour que tous ces rêves grandioses se réalisent, il faudra que trois conditions essentielles se réunissent : la disponibilité des crédits nécessaires, de l’énergie suffisante et le maintien d’une condition de paix raisonnable sur la Terre.
Puis, malgré tout, les timides continueront à privilégier… de prendre leurs vacances à Acapulco, Disney World, Los Angeles, Vancouver, Nice, Miami, l’Ouest canadien ou l’Europe. Ils se contenteront des distractions qu’offre la bonne vieille Terre.
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Donc, bons baisers du grand sidéral… Oui, un jour, peut-être, pour ceux et celles qui le voudront, mais certes pas pour tout le monde !