L’impact des réseaux sociaux

Dans ce gigantesque monde, où le virtuel se combine de plus en plus avec le réel, communiquer est devenu aussi facile qu’ouvrir la porte du réfrigérateur pour voir s’il reste du lait ou allumer le plafonnier de la cuisine pour trouver son chat.  Et il pour y ajouter un peu de perspectives historiques…  Il faut se rappeler qu’il y avait une époque où on n’avait même pas de réfrigérateur, et qu’il n’y avait pas de bouton pour allumer les lumières au plafond.

Le cas de Facebook

facebook

Un individu du peuple peut facilement monter son propre groupe de pression et le faire fructifier.  John Kenneth Galbraith, un Canadien,  s’est bâti une réputation internationale comme économiste. Il écrit : « L’économie moderne et la politique, par nature, distribuent l’argent et le pouvoir de manière fort inégalitaire[1]. » Les riches votent. Ils disposent des ressources personnelles pour faire valoir leurs idées. Internet et les médias sociaux Facebook et Twitter ont procuré aux individus et aux groupes ordinaires un moyen d’influencer la politique autrefois réservé seulement aux grands intérêts financiers.

Facebook est né en 2004 aux États-Unis. Et voici un exemple de la voix que donnent les réseaux sociaux aux individus.

Le cas Clara Rojas

En 2007, tout le peuple de Barranquilla, une ville portuaire colombienne de 1 112 000 habitants, tout comme le reste du pays aurait exulté si les Forces armées révolutionnaires de Colombie avaient libéré, tel que promis, Clara Rojas en décembre 2007. Clara Rojas avait eu un enfant en détention avec un guérillero. Le populaire et puissant président de gauche du Venezuela, Hugo Chávez, ajoutait sa voix à cette campagne. Les FARC détenaient alors sept cents otages. L’avocate Clara Rojas avait été enlevée, six ans plus tôt, en même temps qu’Ingrid Betancourt, la candidate aux élections présidentielles en son pays, à laquelle elle servait de directrice de campagne. Comme Ingrid Betancourt possède la citoyenneté française par son mariage, la France se mobilise également de son côté pour qu’elle recouvre sa liberté.

Déçu par cette tournure de la fin 2007, Oscar Morales, un technicien en génie civil colombien de trente-deux ans de Baranquilla, maîtrise assez Facebook. Il lance sur le réseau un appel public après minuit le 4 janvier. Son thème ? Un million de voix contre les FARC – Un Millón de Voces Contra Las FARC. Il se réclame d’un programme clair : « Plus jamais d’otages, plus jamais de mensonges, plus jamais d’assassinats, plus jamais de FARC. »

À sa surprise, son groupe virtuel compte 1 500 membres à 9 heures le lendemain matin, 4 000 en fin d’après-midi et 100 000 au bout d’une semaine.

Sous la pression engendrée, les FARC libèrent Clara Rojas le 10 janvier 2008, ainsi qu’un sénateur. La mère retrouve son fils, prénommé Emmanuel. Le groupe de Morales organise ensuite une marche qui, le 4 février, fait descendre deux millions de personnes dans les rues de Colombie en protestation contre la guerre civile. La droite, l’armée et la gauche démocratique sont toutes les trois dépassées. Elles découvrent qu’elles ne sont plus les seules à se proclamer rempart contre les rebelles. Quant à Ingrid Betancourt, une opération de l’armée colombienne la libérera le 2 juillet suivant, en compagnie de 14 otages, en réponse aux ostensibles pressions du président français Nicolas Sarkozy. Clara Rojas se présentera comme sénatrice de Colombie en 2010. Elle récoltera un succès médiocre.

L’impact des réseaux sociaux

Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, reconnaît que l’épisode inscrit par son réseau social en Colombie a été révélateur pour lui. « Ces choses peuvent vraiment affecter les libertés individuelles et la liberté en général, ce qui relève du gouvernement. […] Dans quinze ans, peut-être qu’il y aura presque tous les jours des trucs comme ce qui s’est passé en Colombie[2] », ajoute-t-il.

La premier copier-coller de l’épisode de Barranquilla et de Morales luttant contre les FARC eut lieu aux États-Unis. Au début de 2008, le citoyen américain de Floride, Will Anderson, réunit sur Facebook 20 000 correspondants ayant répondu à son appel de s’opposer à un gel des bourses pour les étudiants en lettres par le Congrès de l’État. Le sénateur Jeremy Ring téléphone à Anderson. Il lui annonce qu’il retire son projet de loi et répond à la question d’un reporter : « On ne peut pas ignorer 20 000 personnes[3]. »

En Asie, la présence des réseaux sociaux se devine en Iran derrière les manifestations populaires contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, en 2009, et lors du « printemps arabe » de 2011 en Tunisie, en Égypte et en Libye. On la retrouve en Russie lors de l’agitation déclenchée par l’élection du président Vladimir Poutine, après l’intermède de sa volontaire rétrogradation au poste de premier ministre. Et, sans confondre les genres ni la gravité, elle était sûrement active pendant la grève de quatre mois des étudiants québécois de collège et d’université au printemps de 2012 en grève et en lutte contre une augmentation des frais de scolarité. On reproduit des tactiques analogues.

Les protestataires lancent des ballons sondes. Si les destinataires se montrent d’accord avec ces affirmations, ils se joignent au groupe. Leur adhésion est répandue parmi les pairs, qui les saluent et les félicitent comme nouveaux « amis ». Et le mouvement continue !

S’il y a des marches ou des manifestations, il devient dans la même veine très facile de réorienter les mouvements de foule, grâce aux téléphones portables.

La complémentarité du cellulaire

À pied, en train, en auto, dans l’avion ou en autobus, le téléphone cellulaire – ou le plus souvent « intelligent » à présent – offre la possibilité de réagir sur-le-champ à tout.

Magda Fusaro, professeure titulaire de la chaire UNESCO-Bell en communication et développement international de l’Université du Québec à Montréal, a mené une étude auprès de plus de 2000 Canadiens. Elle écrit : « Dans la génération des 17-25 ans, voire jusqu’à 35 ans, que l’appel rentre sur le cellulaire ou sur le téléphone fixe, les jeunes veulent avoir l’appel. Ne pas l’avoir, c’est ne pas faire partie de la communauté. C’est être débranché. Ils veulent constamment être connectés[4]. » André Mondoux, professeur à l’École des médias de la même université, ajoute son opinion : « Les nouvelles technologies (nous) permettent de définir notre identité, de nous construire, de marquer nos choix constamment. Tout est individualisé : le téléphone, la musique, et maintenant la télé ». Ce mariage du téléphone et de la publicité conduit, selon lui, à l’insoupçonnée conséquence suivante : « Je peux le dire [mon opinion] et je peux l’avoir tout de suite [le bien de consommation], alors pourquoi pas ? C’est le “ici et maintenant” rendu possible par la convergence du numérique et de la mobilité[5]. »

Cet, accouplement de l’instantanéité et de l’information a donné naissance à un nouvel individu, beaucoup moins patient qu’avant. La mobilité permet d’exercer son boulot à domicile, de préparer un rapport, ou de le corriger, en même temps qu’on s’occupe des enfants et qu’on fait cuire les légumes pour le souper.

Un survol d’Internet

Voici quelques conséquences de la cavalcade d’Internet et des médias sociaux dans notre vie aux frontières ouvertes, tant pour l’information que pour le commerce :

  • Nos contemporains branchés déambulent fréquemment avec un ordinateur portable. une adresse Internet, un téléphone cellulaire, ou intelligent. Ils avouent qu’ils possèdent un compte Twitter ou Facebook, ou les deux. Si un dénouement survient, assez souvent il avantage Facebook qui supplante les autres adresses électroniques et devient « la » seule messagerie utilisée.
  • Internet confère une soudaine importance au facteur du nombre en politique. Par cette fenêtre, l’Asie tentera de revendiquer une place proportionnelle à son poids. Au même moment, les États-Unis et Europe ne finissent plus de se dépêtrer de la crise financière déclenchée en 2008, si bien que plusieurs se demandent si l’Occident conservera à jamais l’hégémonie mondiale consacrée par  les trois derniers siècles.
  • Internet et les réseaux sociaux ont des reflets sur la culture, sur le commerce du livre, sur l’environnement, sur la politique étrangère et même sur les développements scientifiques et l’énergie. La défense est également affectée.
  • Nous nous intéressons à tout, avons une opinion sur tout.

Mark Zuckerberg fonde en 2004 Facebook, à l’intérieur des murs d’une résidence l’université Harvard, avec quelques autres étudiants guère plus âgés que lui. Il répétait souvent : « Nous allons changer le monde. Je crois que nous pouvons faire du monde un lieu plus ouvert » Il n’avait que dix-neuf ans.

*

La diffusion à grande échelle d’information était jadis l’apanage des médias – journaux, radio et télévision. L’effet Facebook, comme en Colombie, comme en Floride et en d’autres pays, signifie que ce sont des individus ordinaires qui ont pris cette initiative » Ils s’en chargent sans connaissances spéciales, ni expériences particulières. C’est devenu un apport majeur. Il caractérise notre monde contemporain.

Références

[1]. John Kenneth Galbraith cité, dans Démocratie, sous la direction de Robert Darnton et Olivier Duhamel, Éditions du Rocher, 1998, p. 266.

[3].  Cité par David Kirkpatrick, La révolution Facebook, traduit de l’anglais par Bernard Sigaud, Paris, JC Lattès, 2010, p. 18.

[4].  Cité par David Kirkpatrick, op. cit., p. 394.

[5].  Cité par Marie-Ève Morasse, « Notre “fascinante relation” avec le cellulaire », La Presse, 26 novembre 2011, p. A 15.

[6].  Cité les deux fois par Nathalie Collard, « Un nouvel humain est né », La Presse, 21 janvier 2012, p. A 20.

[6].  Cité par David Kirkpatrick, op. cit., p. 65.

[7].  David Kirkpatrick, ibid., p. 20.

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