De familiaux qu’ils étaient autrefois, autos, téléphone, vélos, appareils de radio et voire téléviseur sont devenus maintenant des biens individuels. Les possibilités de loisirs ont été quintuplées, décuplées, sinon multipliés par vingt.

La famille ne se définit plus comme autrefois : un couple hétérogène, inexorablement marié à l’église (au Québec, c’était la seule possibilité) pour avoir et élever des enfants, et mariage indissoluble.  Ce qui constitue une famille aujourd’hui, c’est plutôt la présence d’un enfant avec « un » parent. Bien des femmes insistent pour élever seule leur(s) enfant(s), sans conjoint. Le cas se rencontre moins chez les hommes.

Monoparentale peut être la famille, ou recomposée, formée de partenaires ayant eu des enfants d’une union antérieure, ou même homosexuelle, résultant le plus souvent d’une situation analogue.

Je pense ici à un extrait du sénateur Normand Grimard dans un écrit de 1995 : « Alors, en mon for intérieur, je demeure convaincu que des enfants pourraient être mieux traités dans des foyers homosexuels qu’au sein de couples hétérosexuels où ça boit, ça sacre, ça trotte et ça se chicane sans fin…[1] »

Questions de natalité

Quant à la conception, elle peut être naturelle ou in vitro, par mère biologique ou par mère porteuse : là aussi, trois termes que la fin du XXe siècle nous a appris !

En cent ans, la natalité québécoise est passée de 4,5 enfants  par femme en 1914, fécondité encouragée par l’Église, à 3,8 en 1960, à 3,0 en 1964, 2,2 en 1967 [2]. Pour 2002, Statistique Canada indique que la femme canadienne de 15 à 49 ans avait 1,5 enfant et la québécoise 1,46 : l’un des taux les plus bas au monde. Cet indice croîtra légèrement, au Québec, autour de 2006. Pendant ce temps, l’Ontarienne en avait 1,47; l’Américaine, 2; la Britannique, 1,6; l’Australienne, 1,7; et la Française, 1,9, le taux le plus élevé d’Europe [3]. Le minimum de 2,2 enfants [4]  par femme assure le maintien de la population. Le phénomène a une plus longue origine qu’on pense. La dénatalité affecte néanmoins l’Occident depuis le début du XXe siècle. L’immigration comble ce gap.

L’autorité, sujet chatouilleux

Autorité est un mot à utiliser avec prudence aujourd’hui. Oh ! s’il est impopulaire ! Les jugements de la Cour suprême et des tribunaux condamnent le châtiment physique contre les enfants. Mme Claude Halmos est une psychanalyste française. Elle préconise de redonner aux parents la légitimité d’exercer une autorité assortie si nécessaire de sanction pour éviter que l’éducation ne tourne en rond en un éternel dialogue improductif. Un enfant, selon celle-ci, doit s’épanouir. Il doit aussi « se construire », apprendre le minimum pour vivre en société. Elle fixe cet absolu ainsi: respecter le bien de l’autre, sa personne, ne pas lui cracher à la figure, ne pas voler et travailler pour réussir.

De passage à Montréal en 2006, pour la promotion de son livre Pourquoi l’amour ne suffit pas (Paris, Pocket), Mme Halmos affirmait à une journaliste de la métropole : « Les enfants ont besoin d’une boussole… Les adolescents, impliqués dans les [récentes] émeutes, à Paris, n’avaient pas eu ces repères. Si déjà on donnait cette base, ces repères qui sont ceux de toutes sociétés humaines, on aura fait un pas considérable [5]. »

Le mariage gai

La Cour suprême a tranché que la définition traditionnelle du mariage violait la notion d’égalité des sexes dans la Charte canadienne des droits et libertés de 1982.

Innovation scandinave, le mariage gai existe au Canada depuis un vote libre pris à Ottawa sous les libéraux de M. Paul Martin en juin 2005, confirmé un an plus tard par un second vote libre sous les conservateurs de M. Stephen Harper. Tous les partis, sauf le Nouveau parti démocratique, unanime en sa faveur, se sont divisés lors de ce second scrutin : 173 voix contre 123. Le mariage gai est probablement accepté par une majorité de la population. D’une façon générale, l’opposition est religieuse, s’appuie sur des valeurs naturelles. Des manifestations hostiles en nombre étonnant pour ce pays ont précédé sa légalisation en France en 2013.

La France suivait l’exemple de l’Angleterre, du Canada et de trois pays européens réputés catholiques autrefois : soit l’Espagne, l’Italie et l’Irlande. La foi religieuse a perdu beaucoup de son emprise sociale en Occident. Aux États-Unis, le premier mariage gai s’est célébré au Massachusetts en mai 2004 [6].

Ce n’est malgré tout pas toujours une équation réductible à un aussi simple que certains le voudraient : « partisan du mariage gai, alors le plus grand des libertaires; ou opposition à celui-ci, et doit être un… batteur de femmes ».

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La famille souffre des soubresauts de la mondialisation, à la rareté des emplois, de leur disparition, elle vit les problèmes de la drogue, de l’alcool, des gangs de rue, de la violence, l’inquiétude concernant l’environnement, la guerre ou le terrorisme, et les divorces comme les séparations se multiplient.

Malgré tout, je pense que la famille continuera d’exister. Ce ne sera toutefois pas la famille des années 50, 70 ni même celle des années 80… Elle s’adaptera à la réalité.

 


Références

1. Normand Grimard, « La famille canadienne de 1945 à aujourd’hui », 1995, 50 pages, cité à la p. 18. Disponible en version bilingue à la Bibliothèque du Parlement d’Ottawa.

2. Université Laval, « Le Québec. (3) Le problème de la dénatalité au Québec », consulté sur Internet.

3. Statistique Canada, tableau « Indice synthétique de fécondité », Le Quotidien, le lundi 9 avril 2005, Naissances… etc.

4. Francis Fukuyama, La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnique, La Table Ronde, 2002, p. 101.

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5. Marie Claude Fortin, collaboration spéciale, « Entrevue avec la psychanalyste Claude Halmos. Aimer ses enfants ne suffit pas », La Presse, mardi 28 mars 2006, cahier Actuel, p. 2.

6. « Mass. to allow gay marriage Monday », USA Today, 16 mai 2004.

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