Viendra une période en ce siècle où la dernière goutte de pétrole venant des puits traditionnels, des sables bitumineux ou du fond de la mer aura été pompée, si bien qu’il n’y en restera plus. Y pensons-nous ? Ne disons-nous pas souvent : « Ce sont nos enfants qui feront face à cette éventualité, pas nous. » Cette échéance, nous pourrions pourtant la retarder par notre conduite : marche, vélo, covoiturage et transport en commun. Déjà, des recherches dégagent quelques pistes prometteuses sur de nouveaux types de véhicules, de moteurs, de carburants ou d’énergie.
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Les nouvelles énergies
L’atome exclu, les ingénieurs planchent en orientent leurs essais vers plusieurs domaines à la fois.
La voiture électrique
L’électricité fait rêver encore davantage les spécialistes et les chroniqueurs, si ce n’était de sa lenteur de recharge. Personne ne se voit entreprendre un voyage en auto de Montréal vers la Gaspésie avec l’obligation de se plier à deux ou trois longs arrêts pour redonner vie aux piles de la batterie. Ce serait au mépris de nos impératifs habituels de rapidité.
Voiture à air comprimé
D’un concept futuriste, l’ingénieur français Guy Nègre a mis au point le moteur à air comprimé Cat 34 (Compressed Air Technology) revendiquant une autonomie de 200 à 300 kilomètres et une vitesse maximale de 110 km/heure. Guy Nègre a signé une entente avec le constructeur indien Tata Motors, le concepteur de la Nano : « voiture du peuple ». Propulsée à l’essence, cette dernière petite voiture a fait fureur au Salon de l’automobile de New Dehli[1]en janvier 2008. Son prix de vente proposé à 3 000 $ a fait tourner des têtes. Mais, les premières ventes de cette Nano à essence ayant déçu, il était devenu plus hasardeux de spéculer sur l’avenir que Guy Nègre avec Tata. Toutefois, en 2015, le concept de la Mini Cat réapparaît et cette voiture doit sortir cette année dans les rues de l’Inde.
Son châssis est tubulaire. Son corps est en fibre de verre collé et les portes arrière s’ouvrent en glissant latéralement. Le moteur utilise de l’air comprimé, de l’air ordinaire. Ses créateurs prêtent à la Mini Cat une autonomie de 300 km ou de 185 milles. Et Tata se penche sur une pompe à air comprimé qui permettrait de faire le plein en 3 minutes et pour 2,50 euros. En raison du peu de friction, les changements d’huile ne deviendraient donc dus qu’à tous les 30 000 ou 50 000 kilomètres. Le prix de cette quatre-places a toutefois grimpé de 3 000 $ pour la Nano à essence à 8 200 $ ou 5 225 EUR pour la Mini Cat à l’air comprimé.
Voitures hybrides
Depuis que Toyota a sorti sa Prius en 2004, les véhicules hybrides utilisent en tandem deux types d’énergie : moteur électrique, en ville à basse vitesse, combiné avec un moteur à essence, à haute vitesse sur la grand-route. Plusieurs intéressés attendent des subventions ou des baisses de prix avant d’acheter ces véhicules en général de 5000 $ à 10 000 S plus chers que les voitures comparables. La combinaison varie un peu avec la Volt de General Motors. D’abord la plus à l’allure des voitures courantes, celle-ci jumelle un moteur électrique de 150 chevaux et un moteur à essence de 1,4 litre, 85 chevaux, dont la fonction est de recharger les piles de la batterie. Le fabricant américain Chevrolet prête à sa Volt une autonomie de 500 km. L’autre voiture proprement électrique, faisant la lutte à la Volt, est la Leaf de Renault-Nissan.
Les concours de petitesse
Les têtes se sont tournées aux premiers passages de la Smart Fortwo de Mercedes. D’autres compagnies ont expérimenté encore davantage la petitesse. La Clever (financée par l’Union européenne) consommait 2,5 litres de gaz naturel aux 100 km, elle accueillait deux passagers l’un en arrière de l’autre, non côte à côte; et cette petite voiture avait trois roues[2].
Au Salon de l’auto de Pékin, Nissan a présenté en novembre 2006 sa Pivo ressemblant un peu à un habitacle d’hélicoptère monté sur une plate-forme motrice à quatre roues. D’autre part, plus large que haute, la FT-EV II de Toyota n’a que 1 m 49 (4 pi. 10,6 po.) de hauteur. Toutes les commandes se donnent par manettes, car elle est sans pédales. Voici comment un journaliste montréalais décrit cette minuscule urbaine électrique au rayon d’action de 90 km : « La FT-EV II semble être un croisement entre une guimauve et ce dont Cat Woman aurait l’air si elle avait quatre roues[3]. » En photos, le magazine français Le Point nous montre plusieurs de ces mini-voitures « vertes » à la carrosserie ultra-réduite le 22 mai 2008. Certaines ressemblent parfois à des jouets pour de grands enfants.
Les carburants de l’avenir
L’énergie solaire
Propre et sans danger, on aimerait pouvoir mentionner l’énergie solaire. Sauf qu’aucun usage de celle-ci n’est présentement considéré pour mouvoir les voitures routiers. Tout au plus se limite-t-il à faire fonctionner certains types d’accessoires, tels que parfois la climatisation. Rares sont les intentions de pousser l’audace plus loin, même si le transport maritime a donné lieu à une intéressante expérience.
Mû par 60 m2 de panneaux solaires jumelés à des moteurs électriques, le catamaran suisse Sun21 d’une longueur de 14 mètres sur six mètres de large a traversé l’Atlantique à partir de Chipiona, près de Cadiz, en Espagne, pour toucher la Martinique, dans les Caraïbes, le 4 février 2007. À cinq ou six nœuds, sa vitesse constante, il a refait en 63 jours à peu près le trajet de Christophe Colomb en 1492, y compris son arrêt aux îles Canaries[4]. Jusqu’à maintenant personne n’ose parler d’une application au transport terrestre.
L’éthanol
Quelques chercheurs fondent de vifs espoirs sur l’éthanol. Additif dérivé de l’éthane, il augmente de 2 à 3 % le rendement de l’essence et réduit les résidus nuisibles. Plusieurs États américains et provinces canadiennes affichent déjà que l’essence vendue à leurs pompes contient maintenant un minimum de 10 % d’éthanol, la norme canadienne depuis 2010. On fabrique ce produit à partir du maïs. Peu réaliste, augmenter ce pourcentage précédent exigerait toutefois d’ensemencer jusqu’aux trottoirs et aux bordures de rue pour faire mouvoir tout un parc automobile national à l’éthanol. Un si grand usage nuirait à la chaîne alimentaire, avec les conséquences prévisibles de disette et de famine risquant d’en résulter.
Le biodiesel
Tiré du pétrole, plus performant et plus économique que l’essence, le diesel propulse actuellement deux voitures privées sur cinq en France[5]. Sauf comme carburant régulier pour les transports en commun et le transport routier lourd, il est presque inexistant pour les voitures de promenade en Amérique du Nord. Qu’est le biodiesel ? On le fabrique à partir de l’huile de soya ou de canola, de résidus de friture domestique ou de graisses animales solides. Il laisse intacte la chaîne alimentaire intacte.
Aux États-Unis, depuis 1995 cette production annuelle a crû de 500 000 gallons à 25 millions de gallons, soit une augmentation de cinquante fois. Le moteur diesel ordinaire peut rouler avec le bio après quelques transformations mineures. En revanche, le biodiesel s’entrepose mal. Il se révèle capricieux à très haute ou à très basse température. Il représente malgré tout une solution d’avenir.
Le moteur à hydrogène
D’une propreté incontestable, son avantage suprême, l’hydrogène, le carburant des fusées spatiales, a cependant contre lui son extrême inflammabilité. Les premiers dirigeables nous en laissent le triste souvenir. Les ingénieurs croient aujourd’hui rendre son utilisation plus sécuritaire grâce à des réservoirs renforcés et mieux isolés. Ainsi celui d’une voiture de randonnée atteindrait presque la dimension du coffre à bagages en plus d’alourdir pour autant la structure.
Fait à signaler : vers la mi-2007, à l’ouest de Tokyo, la compagnie ferroviaire JR East a lancé le premier train au monde mû par des cartouches d’hydrogène. Grâce à une batterie délivrant une puissance de 65 kilowatts, la mono-voiture atteignait 100 km/heure. Elle ne rejetait que de l’eau dans l’espace.
Le prix du pétrole : un dissuasif ?
Le regretté généticien français Albert Jacquard, originaire de Lyon, proposait d’en augmenter le prix du pétrole par étapes progressives jusqu’au «niveau dissuasif de plusieurs centaines, ou mieux, plusieurs milliers de dollars le baril ». Il l’écrivait dans J’accuse l’économie triomphante de 1995. Il propose ce « traitement au chalumeau + pour réduire la demande.
Nous en dévorons, rédigeait-il, de trois à quatre milliards de tonnes par an. À ce rythme-là, nous épuiserons tout d’ici soixante-quinze ans. S’offusque-t-il du prix actuel du pétrole ? Le prix du pétrole est pour lui « scandaleusement bas[6] ». Questionnons-nous toutefois sur l’efficacité réelle d’une telle mesure. Ce à quoi nous assistons est une véritable explosion de rage chaque fois que le prix du pétrole augmente, mais très vite oubliée dès qu’il diminue. Et on paye le prix « qu’ils » demandent, quel qu’il soit. Marcher, utiliser les transports en commun, conduire moins vite, prendre son vélo, acheter des autos plus petites, moins utiliser la climatisation ou regrouper ses déplacements de manière à réduire son besoin en carbureau entre rarement parmi les préoccupations visées.
L’actualité de juillet 2012 publiait un mini sondage. La question était l’augmentation du prix de l’essence vous incite-t-il à changer vos habitudes de transport. Des interrogés, 61 % répondent oui; mais 39 %, « Non, j’absorbe cette dépense dans mon budget. »
Et si une déinformation existait…
Se pourrait-il en plus que, en matière de pétrole, nous souffrions d’une désinformation ? Par exemple :
> au lieu d’imaginer un cap de la production mondiale à quelque date à fixer dans le futur, nous devons plutôt nous représenter qu’il a été atteint en 2000;
> en dollars américains constants, certaines études démontrent qu’à partir de 1950 l’essence s’est vendue à son prix le plus bas entre 1985 et 2002, avec des minima absolus en 1998 et en 2002[7];
> les hausses momentanées dues à l’ouragan Katrina ou aux guerres du Proche-Orient, en 2005, 2008 ou à l’été 2011, n’ont fait que ramener ce prix à la moyenne des années 1950-1973 : ce que la presse n’a pas divulgué.
Cette partie du texte me provient de mon fils François Dion, docteur en génie civil, volet transport, et procédant présentement à de la recherche à l’Université de Californie à Berkeley, près de San Francisco.
L’impact de l’urbanisme
Gregory Greene, de Toronto, a réalisé le documentaire The End of Suburbia [La fin de la banlieue]. En avril 2005, il avait trente-sept ans lors de la projection de son film – réalisé un an plus tôt – à l’Université Concordia de Montréal. Devant 600 personnes, il évoque le bouleversement que aurait une hausse magistrale du litre d’essence pour les banlieusards ayant choisi depuis les années cinquante de quitter la ville pour se rapprocher de la nature et des oiseaux. Il nie faire partie de quelque groupe de pression anti-automobile. Il exprime : « Je ne suis pas militant, je suis cameraman et documentariste[8]. »
Dans son livre L’audace d’espérer, publié en 2006 avant son élection à la Maison-Blanche, le président Barack Obama proposait de trouver une énergie locale, « made in America », pour réduire notre dépendance à l’égard du pétrole importé du Proche-Orient (ou de la Russie). Cette préoccupation anime d’autres chefs d’État. Mais elle n’écartera point le postulat voulant que, quoi qu’on fasse, le robinet de pétrole se fermera un jour.
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Et j’ai, dois-je vous le dire, j’ai un ami (gravement malade) qui s’inquiète lui, non pas du tarissement en pétrole, mais plutôt d’une rupture de l’alimentation électrique pour nos foyers. Nous voyez-vous en hiver avec nos froids et nos vitres gelées ? Nous sommes beaucoup plus vulnérables que nous le pensons à tout le dossier de l’énergie.
Références
[1]. Natacha Tatu, « La voiture à 1 800 euros. Nano, même pas minus », Le Nouvel Observateur, 14 février 2008, p. 40-41.
[2]. L’actualité, août 2006, p. 80; https://www.moteurnature.com/actu/2004/clever_car.php. (Clever = Compact Low Emission Vehicle for Urban Transport)
[3]. Denis Arcand, « Une i-Q joujou tout électrique », La Presse, cahier L’auto, 13 octobre 2009, p. 5. Pour la Leaf de Renault-Nissan, voir le même journal, mêmes date et cahier, p. 10.
[4]. Un catamaran traverse l’Atlantique grâce à l’énergie solaire
[5]. http://www.cgste.mq/brainstorm/Diesel/diesel.HTM. : « Le diesel. Comité de liaison et d’information sur le diesel (France) ».
[6]. Albert Jacquard, J’accuse l’économie triomphante, Calman-Lévy, 1995, p. 129. Et p. 157-159.
[7]. Financial Trend Forecaster, une publication de Capital Professional Services, au site : http://inflationdata.com/Inflation/images/charts/Oil/Gasoline_inflation_chart.htm
[8]. Charles Côté, « La banlieue est-elle viable avec le pétrole à 100 $ le baril ? », La Presse, cahier Actuel, 9 mai 2005, p. 3. Le film de M. Gregory Greene est disponible à :
www.endofsuburbia.com/crew.htm