Lors de la bataille d’Alep en 2013, alors que la guerre civile avait déjà fait 70 000 morts, un enfant tient un oiseau blessé. Cette ville a été conquise par l’EI. (Photo reprise du Figaro.fr)
Peu importent ses méthodes, le terrorisme islamiste semble destiné à faire partie du XXIe siècle avec une ampleur dont nous ne connaissons peut-être pas encore l’étendue exacte.
L’immigration
Le terrorisme n’est plus exclusivement l’œuvre d’« étrangers » maléfiques. La police de Londres l’a constaté après l’attentat d’Al-Qaeda contre le métro et l’autobus en 7 juillet 2005, la police canadienne après un complot d’attentat éventré à Toronto le 2 juin 2006 et celle du Canada encore après les deux attentats réussis de 2014 : celui de Saint-Jean-Richelieu, le 20 octobre, et celui du parlement d’Ottawa, le 22. Tous les auteurs présumés ou accusés étaient des citoyens naturalisés du pays de ces attentats.
L’islam est une religion mondiale de un milliard de fidèles. Il fait maintenant des convertis dans les pays chrétiens. Un immense brassage des populations a eu lieu à cause des guerres et des désastres naturels, occasionnant des réfugiés (maintenant appelés « les migrants »), et de l’immigration. Statistique Canada révélait après l’analyse des données du recensement de 2001 que 41 % des habitants de Toronto étaient nés hors du pays. L’Occident a une natalité insuffisante pour assurer le maintien de la population depuis le début du XXe siècle. Ces États comptent sur l’immigration pour fournir les bras manquants dans leur industrie.
Le financement
Le terrorisme islamique compte sur un financement qui ne se tarira pas : contributions et collectes, plus ou moins volontaires, profits pétroliers, trafic de l’opium en Afghanistan et des diamants en Afrique [1].Les marchands d’armes de toute nationalité apportent partout leur discret concours. Soupçonnons en outre le versement de rançons versées pour la libération de certains otages. Internet, les prêches dans certaines mosquées et les médias sociaux servent au recrutement potentiel de nouveaux djihadistes.
Le monde a ouvert ses frontières pour tous. Le candidat au djihad peut se mettre en communication avec un combattant en Syrie ou en Irak qui va lui dire : « Attends. Je dois te laisser. Nous avons une attaque des ennemis, je dois aller y riposter. » L’information se targue aujourd’hui d’être spontanée sans intermédiaire.
Un troisième élément concourt à la diffusion du terrorisme : la télévision, même s’il s’agit d’un mariage involontaire. Les décapitations d’otages en public sont filmées pour être « vues » (ou regardées sur Internet). La télévision, ai-je lu, atteint le comble de son impact lorsque les attentats supposent une certaine durée dans le temps, comme les prises d’otages avec négociations. Ainsi, en 1978, les Italiens et le monde sont restés en haleine pendant les cinquante-cinq jours de la détention d’Aldo Moro, chef de la Démocratie chrétienne, avant son assassinat par les Brigades rouges. Il était coupable d’avoir conclu un compromis pour accueillir des communistes dans son gouvernement de coalition.
L’universitaire Gérard Chaliand dirigeait en 1999 la publication en France d’un livre collectif d’experts sur le terrorisme. En quatrième de couverture, l’éditeur Desclée de Brouwer mentionnait que le terrorisme est la reconnaissance, par ceux qui le pratiquent, de la force plus grande des super États auxquels ils ne peuvent s’attaquer que de cette manière indirecte [2] . C’est une très piètre consolation ! ! ! Les États-Unis étaient dépourvus de motifs à fêter après le 11 septembre, à New York comme à Washington.
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À la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours, principale église catholique de Bagdad, une survivante retourne un mois plus tard prier pour le repos les 46 victimes tombées en cours de célébration le 31 octobre 2010 dans la capitale irakienne. Souhaitant que le Seigneur ramène « tous les égarés dans le droit chemin », elle n’en ajoute pas moins : « Le Très-Haut a du pain sur la planche [3]»
Plusieurs affirment que la guerre contre le terrorisme islamiste peut être gagnée 4. D’autres se montrent pessimistes tant que la lutte se limitera à des frappes aériennes sans envoi de soldats sur le terrain. Et encore là le combat peut se révéler extrêmement long, ardu, coûteux en souffrances et en vies humaines.
Bombes artisanales, attentats-suicides, camions piégées, exécutions en public, ou enlèvements de jeunes filles dans les pensionnats chrétiens : le terrorisme islamiste n’est pas le seul sur Terre. Il y en a d’autres, de gauche comme de droite, sans compter l’horreur des macabres tueries dans les écoles aux États-Unis. Mais c’est de loin le plus répandu.
Mario Roy signait en 2005 un éditorial dans le quotidien montréalais La Presse où il qualifiait de post-moderne le terrorisme islamique. Il affirmait que celui-ci n’a rien de «moyenâgeux », « parce que, précisément, il sait maîtriser la technologie de pointe, du Boeing à la téléphonie cellulaire – et éventuellement, à n’en pas douter, l’arme chimique, bactériologique ou nucléaire « sale » »[5]. Et, sans doute, jamais ne fera-t-on jamais la pleine lumière sur « ceux qui les inspirent et les financent, par action, omission ou intérêt », signalent, d’autre part et par ailleurs, deux auteurs français [6].
Confusion avec l’EI
Le terrorisme se confond, depuis un an, avec la guerre de l’État islamiste (EI) en Syrie. Comme les États-Unis d’abord et maintenant la Russie y effectuent des bombardements aériens, s’intensifie le risque d’un accrochage direct entre les deux. Il pourrait résulter d’un tir erroné. La Russie soutient le président syrien Bachar el-Assad, dont Washington souhaite le départ, et les États-Unis luttent en Syrie dans le même camp que le Hezbollah libanais, dont ils souhaitent ailleurs la défaite. Cela résulte de la division fondamentale de l’islam entre ses deux branches mondiales, le sunnisme et le chiisme, et des ultras dans chaque camp, alors qu’au début j’imaginais qu’on ne trouvait irréductibles violents que dans un seul : le chiisme. Le Canada, par exemple, a inscrit la branche militaire du Hezbollah sur la listes des organisations terroristes dont il sanctionne le financement. Et que l’EI ou les radicaux islamistes fassent un jour le lien avec l’arme nucléaire deviendrait une éventualité abyssale pour l’humanité, si jamais elle se réalisait.
Voisin et musulman, le Pakistan est surveillé de près parce que c’est le seul pays de l’islam à posséder une arme nucléaire fonctionnelle. Les ogives changent régulièrement de place. Les États-Unis ne voudraient pas qu’une de ses charges se perde une aux mains… des guerriers radicaux de l’EI ou d’autres islamistes [7].
Le 30 septembre 2015, premier jour des aériens russes en Syrie, le magazine Le Nouvel Observateur affirmait que la 3e Guerre mondiale avait… peut-être commencé [8].
Malgré le point d’interrogation ajouté par l’hebdomadaire français, les signes d’une pacification en Syrie ne se rapprochent toujours pas : 220 000 morts (Oxfam), on ne sait combien de blessés, quatre ans de guerre civile plus tard, 7,6 millions de déplacés (Oxfam aussi) et des flots de réfugiés visant les portes de l’Europe… qu’ils n’atteignent pas toujours. Et, s’ils l’atteignent, d’autres observateurs se posent des questions. L’Arabie saoudite, par exemple, n’a fait aucun effort pour accueillir ses coreligionnaires musulmans déplacés.
Les plus pessimistes affirment que « les migrants » seraient « un Cheval de Troie » de l’islam pour conquérir l’Europe et l’Occident. Il reproduirait celui d’Ulysse, dans L’Énéide. Ce gigantesque cheval en bois avait été construit par ruse et offert en cadeau aux Troyens qui l’avaient accepté, non sans méfiance, et lui avaient fait traverser les remparts de la ville. Mais, une fois la fête finie, des guerriers ennemis grecs cachés à l’intérieur en étaient sortis, avaient massacré les Troyens et gagné la guerre. Les pessimistes sèment le doute qu’une partie des musulmans chassés de chez eux par la guerre et accueillis dans la détresse ailleurs nourrissent une intention cachée de concourir à un stratagème de l’islam pour étendre le djihad à l’étranger. Hypothèse encore une fois lancée, non fondée, ni exclue de façon certaine !
Si le terrorisme islamiste et la guerre en Syrie s’unissent, c’est pour créer une situation incertaine où Russes et Américains luttent de près dans un pays restreint. Ils risquent de s’affronter par des tirs fratricides qui engendreraient d’énormes conséquences. Et que veut réellement la Russie ?
Obama, Bachar El-Assad, le président russe Poutine, l’Iran, pas loin et alliée de la Syrie, Bagdadi, le chef l’EI souvent victorieux, le Pakistan, la Chine et l’Inde : toutes les cartes sont déposées sur la table en même temps.
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La situation est confuse, nébuleuse, parce que personne ne semble avoir déterminé à quel jeu l’on voulait jouer !
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[1]. Voir Roland Jacquard, Fatwa contre l’Occident, Paris, Albin Michel, 1998, p. 168. Pour les diamants, réf. à Éric Laurent, La face cachée du 11 septembre. Les secrets inavouables d’une tragédie, Paris, Plon, 2004, p. 153.
[2]. Gérard Chaliand, directeur, Les stratégies du terrorisme, Paris, Desclée de Brouwer, 1999.
[3]. Vincent Hugeux, « Le requiem sans fin des chrétiens d’Irak », L’Express, 29 novembre 2010.
[4]. Jocelyn Coulon, « Invincible État islamique ? », La Presse, 22 mai 2015, p. A16; Brian Bethune, « Ayaan Hirsi Ali on how the rise of islamist extremism presents moderate Muslims with an opportunity for reforms », entrevue, Maclean’s, 20 avril 2015, p. 14; Yves Boisvert, « C’est le fanatisme, pas la religion », chronique, La Presse, 10 janvier 2015, p. A5; Laurent Joffrin, « La résistible ascension », éditorial, Le Nouvel Observateur, 17 juillet 2013, p. 3.
[5]. Mario Roy, « La terreur « cellularisée » », La Presse, 17 septembre 2005.
[6]. Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Ben Laden. La vérité interdite, p. 228. L’annexe de ce livre contient une chronologie des événements de violence attribués à l’islam depuis 1745.
[7]. Bob Woodward, Les guerres d’Obama, traduit de l’américain, Paris, Éditions Denoël, 2011, p. 63.
[8] . Vincent Jauvert, « Scénario catastrophe : la Troisième Guerre mondiale a peut-être commencé aujourd’hui », Le Nouvel Observateur, 30 septembre 2015. Consulté sur Internet.