J’accueille ici le très touchant témoignage d’un ancien confrère de collège.

 

par Roland BROCHU

Ma vie se résume en trois actes : la Bolivie, Shawinigan et la retraite. J’aime beaucoup cette proposition de partager avec vous tous mon cheminement parcouru depuis mes études au Collège de Lévis. Même si je faisais partie de la « gang » du Patro(1), je suis fier d’avoir étudié avec vous autres.

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D’abord entré chez les Oblats en 1960 et ayant fait mes études théologiques à l’Université St-Paul à Ottawa, je choisis d’aller travailler comme missionnaire en Bolivie. En 1966 je suis jumelé comme vicaire dans une paroisse de la banlieue de Cochabamba(2), fondée par le précurseur d’une nouvelle approche pastorale centrée sur vivre le plus possible comme les Boliviens, des gens souvent métissés, très pauvres et peu scolarisés. Pendant sept ans, j’ai vécu toutes sortes de situations d’ordre pastoral, social, économique et politique que j’ai eu de la difficulté à gérer. Le climat socio-économique et politique était constamment bouleversé par des révolutions, et nous les étrangers, on était souvent vus comme des révolutionnaires par le clergé et les dirigeants locaux. Peut-être avez-vous déjà entendu parler du Che Guevara, un révolutionnaire tué en 1969, qui avait ébranlé le pays. Un de mes confrère, professeur en sociologie à l’Université de la Paz, a été assassiné en 1971 par des soldats parce qu’il dérangeait les politiciens du temps. J’ai moi-même été appelé à supporter les revendications du peuple et osé refuser d’être un distributeur de bénédictions et de sacrements dans certaines circonstances quelques peu farfelues.

Obligé de quitter la Bolivie en 1973 pour des raisons de santé, beaucoup reliées à des choix déchirants, inconfortable avec les demandes du peuple, à l’impossibilité de faire du vrai travail pastoral, au  climat politique instable et aux nombreuses révolutions en cours, je me suis senti ébranlé à plusieurs niveaux.

La communauté m’offre de me recycler comme étudiant en pastorale à  l’Université St-Paul d’Ottawa et de parcourir la province en prêchant pour les missions. Durant cette année, je me remets de plus en plus en question et je réalise que j’ai perdu la foi dans mon choix de vie et que je ne peux  plus vivre ainsi. Je choisis alors de me laïciser tout en faisant une 2ième année d’études en counselling matrimonial.

La rencontre fortuite de Nicole qui a un vécu presque similaire au mien me dynamise et nous décidons de refaire notre vie ensemble. La liberté de vivre comme laïc et de me marier m’arrive de Rome, six mois plus tard.

Engagé en 1975, comme consultant conjugal dans un C.S.S. de Shawinigan, j’occupe ce poste durant 25 ans même après l’implantation des C.L.S.C. C’est la plus belle période de ma vie professionnelle.

La retraite

Une crise cardiaque et des pontages, au début de l’an 2000, me poussent vers la retraite définitivement. Parents de deux garçons, l’un devenu ingénieur et l’autre spécialisé en informatique, nous vivons maintenant paisiblement à St-Étienne-des-Grès, nous comptant chanceux d’être encore en assez bonne santé. La photo du haut me montre en compagnie de mon épouse Nicole Verville, tenant notre premier petit-fils. Toujours poussé par mon penchant sauveteur, je reste cependant encore impliqué dans mon milieu au niveau scolaire, social, et paroissial, en apportant juste ce dont je me sens capable.

Nos voyages en Europe et en Amérique Latine nous rappellent comment nous sommes privilégiés de vivre au Québec.

Je termine en vous saluant tous et j’espère avoir l’occasion de lire d’autres petites « biographies » de mes confrères. C’est toujours un plaisir d’entendre parler des anciens du Collège. La vie nous réserve parfois de belles surprises…

 

Note. Quatre confrères avec qui je suis resté en contact :

Claude Bérubé, décédé  le 09-06-2015, qui a travaillé avec moi durant 10 ans;

Gérard Quintin, retrouvé en 1975 à Ottawa, lui aussi consultant conjugal;

Guy Lapierre, mon cousin germain, avec qui j’aimerais bien échanger; et

Alphonse Lacasse, né comme moi à Saint-Anselme et parti trop vite.

 

(1) Patronage de Lévis, pensionnat extérieur dont le Collège de Lévis acceptait par entente les élèves.

(2) Ville de 630 500 habitants, à 382 km au sud-est de La Paz par les routes.

 

Barrage La Gabelle, St-Étienne-des-Grès

À Saint-Étienne-des-Grès, barrage La Gabelle, érigé entre 1922 et 1924, ayant déjà fait partie du réseau de la Shawinigan Water and Power. Accessible aux visiteurs.