Le supérieur du Collège de Lévis d’alors, Mgr Raymond Nolin, se méprend et ne reconnaît pas… Don’t Be Cruel, d’Elvis Presley, lorsqu’un groupe du collège l’exécute instrumentalement à une fête à l’Auditorium à l’automne 1957.

« Los Cinco Compadres »

Un quintet, les « LOS CINCO CAMPADRES », s’était formé parmi les élèves sous la direction de Rosaire Lacroix à l’accordéon, avec Hervé (Ti-vé) Matte au piano et Benoît Routhier, assis, à la guitare hawaïenne. Il comprenait aussi deux guitaristes dont nous cherchons les noms.

Ils se sont produits au spectacle de la Sainte-Catherine, mais ils ont obtenu un rappel.

Rosaire Lacroix raconte. Durant la semaine, ils avaient exercé Don’t Be Cruel. Mais, avant de le livrer, le pianiste Ti-vé Matte a dit : « Hé ! les gars, on ne joue pas ça. Mgr Nolin (le Supérieur) a fait la semaine dernière un tel sermon contre le rock ‘n’ roll et Elvis Presley que, si on le joue, on va tous être mis à la porte demain matin. »

Et… on l’a joué. Quelle surprise !  Après le spectacle, le Supérieur monte sur scène. Il remercie et félicite tout le monde comme à son habitude. Puis, il dit : « En particulier, je dois vous dire que j’ai énormément aimé la dernière pièce qu’on a jouée, et que j’ai trouvée très entraînante… » Dernière pièce, qui avait été nulle autre que… Don’t Be Cruel !

« Mais ce que nous avons ri après, le devinez-vous ? relate à présent Rosaire. J’ai même vu Mgr Nolin taper du pied, pendant que nous l’exécutions. »

Au collège, la Rhétorique, sixième des huit années du cours classique, recevait l’important mandat de préparer la fête de la Sainte-Catherine.

Le « Shanty »

Pour cette tâche, les autorités nous prêtaient l’usage exclusif et indépendant − oui, libre, aussi surprenant que ce puisse être  – d’un local : le « Shanty », pendant quelques semaines. Il était situé à quelques portes du réfectoire. Je me souviens qu’il était peint tout en gris.

C’était un premier signe de confiance que les prêtres nous faisaient. Mais l’avons-nous vu ainsi…?

À la vérité, les COMPADRES n’avaient que joué, et non chanté, Don’t Be Cruel, ce qui a pu confondre Mgr Nolin.

Rosaire Lacroix et Gérard Lajoie

Rosaire Lacroix est arrivé au collège, en 1952, déjà accordéoniste et il affirme n’avoir eu qu’un maître en ce domaine : Gérard Lajoie, de Québec.

Un grand nom à l’époque, Gérard Lajoie (1923-1991) a gagné en 1946 le premier prix au championnat provincial de l’accordéon au Palais Montcalm et en 1956 le prestigieux trophée en or 18 k du Champion mondial. Il avait une dextérité  extraordinaire. À l’accordéon diatonique, on joue deux notes sur le même bouton. La Ville de Québec a baptisé en son nom une de ses rues de l’arrondissement Les Rivières.

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« Plusieurs gars, ajoute Rosaire Lacroix, m’ont dit qu’ils gardent un heureux souvenir de moi en raison de mon accordéon et de mon harmonica. »

Tant mieux, si j’ai pu adoucir la lourdeur de certaines soirées…!  » Encore aujourd’hui son accordéon rehausse des festivités, sociales ou religieuses… ainsi que des messes. « Et lors des fêtes familiales, il suit toujours », insiste-t-il. Il joue des polkas.

« Son » Saint-Michel

Rosaire, toujours prêtre, se coule une retraite paisible à Saint-Michel-de-Bellechasse, son village de naissance près du fleuve. « Je trouve ça bon de se retremper dans de si vieux souvenirs et de saluer tous les confrères ou leur survivante. »

« Mais laissez-moi vous dire que jouer une pièce aussi saccadée que Don’t Be Cruel à l’accordéon diatonique… c’est du sport ! » se souvient-il.

PHOTO-SOUVENIR

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Au « Shanty » de la Sainte-Catherine de 1957. − À dix-huit ou dix-neuf ans, plusieurs se reconnaîtront ou reverront des amis hélas disparus. Rosaire a le bras étendu devant la porte. (Toutes les photos sont fournies par Rosaire Lacroix)