par Jean-Marie ANGERS

Secret dévoilé après 65 ans : j’avais toujours les résultats des parties de hockey en me levant au Collège de Lévis, dans les années ’50, parce que  j’avais un radio à cristal.

Le soir, j’écoutais les joutes, couché dans mon lit, avant de m’endormir. Le matin, possédant ces résultats, je les transmettais aux autres et le bouche-à-oreille s’occupait du reste. En un rien de temps, tous savaient si leur équipe favorite de la LNH avait gagné ou perdu le soir de la veille, et même quels joueurs avaient compté.

Nous étions forcés à une certaine clandestinité. Sans téléphone, et encore moins de cellulaire accessible, car alors il n’existait pas, nous devions composer avec le temps. Au collège classique, nous étions tenus alors de nous coucher à 21 h 30 et d’observer le silence du soir jusqu’après la messe du lendemain.

Notre système, peut-être souterrain, fonctionnait : je vous l’assure ! Même nos maîtres de dortoir ou de salle les plus sportifs, tels les abbés Raoul Bellavance, Robert Asselin ou Jules Rioux, venaient à nous pour s’informer des résultats. Nous les leur donnions. Et eux ne s’interrogeaient jamais sur leur provenance divine ou impie. C’est le « père Narcisse » Roy, notre expert en photographie et en technologie au collège, qui m’avait aidé à fabriquer mon radio à cristal.

Un radio à cristal

Ce type de radio élémentaire, appelé aussi à galène, fonctionne sans pile, sans électricité. Autour d’une bobine – même vide de fil à coudre – on enroule du fil de laiton et, à l’une des deux bornes, on relie un autre bout de ce fil. Ce dernier doit absolument pendre à l’extérieur. Il sert d’antenne.

Plus un fil extérieur est long, meilleure est la réception. Elle était en particulier très bonne de nuit et le soir tard. Orientation optimale vers le nord : i.e. vers Québec. C’est pourquoi on voulait toujours coucher de ce côté-là.

Chaque automne ramenait, pour moi, l’obligation d’avoir un lit dans la bonne direction au dortoir. Sinon, je devais ruser et demander qu’on m’en attribue un autre.

Mon poste de radio à cristal était du modèle Oudin. Je publie la photo d’un. Mais laissez-moi vous dire que le mien ne ressemblait pas du tout à ça. On ne peut que se servir d’un écouteur avec un radio à cristal.

Je pouvais syntoniser CHRC, CKCV et avec plus de difficulté CBV (Radio-Canada Québec). Parfois, j’écoutais aussi Blue Skies l’émission de demandes spéciales de CKCV qui finissait à minuit et s’ouvrait toujours par les premières mesures du succès de Bing Crosby. La radio était notre premier instrument utilisé de jeunes James Bond

La débrouillardise no 2

Une autre méthode de débrouillardise existait pour obtenir les résultats du hockey. D’autres ont pu la pratiquer à leur manière. À défaut de radio, à 6 h du matin, je me levais, me rendais à la porte principale du collège. Sortais prendre un des exemplaires de L’Événement-Journal, livrés pour nos profs abonnés. Je rentrais le lire en vitesse et sortais le remettre docilement à l’extérieur à sa place : ni vu, ni connu.

Le radio transistor

Après le succès de mes études en philo 1, ma mère m’avait fait le cadeau d’un radio à transistors et je l’avais en philo 2. Je le cachais pour ne pas me faire mettre à la porte. C’était un RCA Victor. Il avait coûté 42 $ chez Québec Électronique. Je l’ai encore.

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Plus je repense à tout cela, plus je comprends en souriant aujourd’hui pourquoi j’ai pu ensuite pendant si longtemps me servir d’un radio, dans ma carrière, à la Police de Québec !

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(Jean-Marie Angers, de Québec, a étudié pensionnaire au Collège de Lévis de 1952 à 1960. Il est aujourd’hui à la retraite de la Police de Québec, où il a atteint le stade de directeur adjoint.)

Merci à mon fils Michel Dion pour avoir unifié la photo à la une.