Marie-Laurence Nadeau, de Québec, reprend ici l’article sur le « raku », poterie traditionnelle japonaise, qu’elle publiait en 1990 après avoir enseigné cette matière une dizaine d’années au Cegep de Limoilou. Un de ses amis, Denis Tétreault, avait traduit aussi l’article en anglais pour une revue américaine. L’auteure a fourni les photos d’elle-même, tandis que les pièces de « raku » utilisées proviennent du site Dreamstime. BONNE LECTURE !
Le raku, poterie traditionnelle du Japon
par Marie-Laurence NADEAU
Le « raku » naît avec la cérémonie nipponne du thé, cérémonie qui s’inspire elle‑même de la philosophie bouddhiste Zen.
Définition et historique
Le Dictionnaire définit cet art : « Poterie japonaise très recherchée fabriquée à Kyoto dès le milieu du XV11°e siècle et consistant en petits vases à thé, noirs, à vernis plombifère. Le fondateur de la manufacture fut le potier coréen Ameya. »(1)
Technique
Après avoir façonné une pièce avec de l’argile, à la main ou à l’aide d’un tour, et après un séchage naturel, on la fait biscuiter (première cuisson au four électrique).
On applique alors une glaçure spéciale (sorte de vernis) pour ce type de cuisson à température relativement haute. Les décorations proviennent de poudres lustrées faites à partir de composés chimiques, tels le sulfate de magnésium, de cuivre, le nitrate d’argent, le sous-nitrate de bismuth, le carbonate de cuivre et bien d’autres.
Plusieurs sortes de fours peuvent répondre: aux besoins : au bois, au gaz propane, à l’électricité. Le mien, alimenté au propane, un métallurgiste l’fabriqué à partir de matériaux très simples : un baril en fer isolé, transpercé de deux lunettes et surmonté d’une ouverture afin de permettre la circulation de l’air. Le brûleur était inspiré du modèle de l’américain Piepenburg.
La cuisson finale se fait obligatoirement à l’extérieur. Une fois glacées, les pièces sont cuites à maturité, leur texture se transformant, en passant tout d’abord par l’étape des premières bulles, puis par celle de la « pelure d’orange », pour parvenir enfin à une surface bien lisse.
Après avoir coupé le brûleur, on sort ensuite à l’aide de pinces les pièces du four pour les déposer dans le bran de scie (ou autres matières semblables). La « réduction » (2) s’opère de dix à quinze minutes.
Unicité des pièces
On obtient une pièce unique aux couleurs étant toujours différentes sous l’effet des réactions chimiques diverses dues aux variations du degré et de durée des températures lors du processus de cuisson; ces impondérables rendent ainsi impossible de produire deux pièces parfaitement identiques.
Utilisation
Le raku est essentiellement une poterie ornementale. Sa consistance relativement poreuse et sa fragilité interdisent d’y conserver quelque liquide que ce soit ou de s’en servir pour la cuisson des aliments.
On apprécie une pièce de raku comme un bel objet, comme une pièce de collection dont la rareté n’a d’égal que le chatoiement des riches coloris qu’elle recèle. Le raku s’apparente à une feuille d’automne, unique en soi par les subtiles nuances de ses teintes mordorées, auxquelles s’ajoutent les savantes combinaisons des oxydes et des glaçures, artistiquement vitrifiés sous l’action d’une chaleur aussi rougeoyante que révélatrice.
On aime non seulement regarder une pièce de raku pour sa seule et unique beauté, mais on aime la toucher, la palper, la retourner en tous sens pour en découvrir tout le mystère et le symbolisme.
Miracle de l’alchimie moderne, greffée à une technologie authentiquement artisanale et vieille de plusieurs milliers d’années, le raku découle de la magie de la transmutation des argiles et des métaux pendant le passage au creuset.
Je ne remercierai jamais assez mon frère Jean‑Réal, qui demeurait à Stoneham, près de Québec, pour son aide précieuse et sa patience. J’avais installé tout mon atelier sur son terrain et m’y rendais les fins de semaine parce que j’avais besoin de son aide pour soulever le couvercle du baril à la fin d’une cuisson. En réalité, j’ai toujours eu peur du propane, surtout avec un réservoir de 100 livres. Parfois, la pièce éclate au changement de température et mon « cimetière » était assez bien rempli.
J’ai eu, dans ma première vie active, autant de plaisir à m’exercer au raku qu’à l’enseigner, ainsi que la poterie, au Cégep de Limoilou, dans la Vieille Capitale.
(1) Paul Augé, Larousse du XXe siècle, en six volumes, tome 5, Librairie Larousse, 1932, p. 018.
(2) Extraction, sous l’action du carbone, du métal contenu dans un oxyde, au moyen d’une température plus ou moins élevée.
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